A Gelbressée : l'eau, la pierre et le bois


Gelbressée est accessible par la route de Hannut et desservi par le bus 40.
Et si vous preniez le train ? Jusqu'à Marche-les-Dames, où le ruisseau de Gelbressée se jette dans la Meuse ?
Cela vous obligerait à marcher un peu, mais vous ne le regetterez pas ! Les 4 petits kilomètres qui séparent la gare de Marche-les-Dames de l'Eglise de Gelbressée sont calmes et paisibles; ils sont aussi d'une grande richesse naturelle et jalonnés de témoignages d'un passé chargé d'histoire et de religion, de labeur et de légende.
Le long de la rue Moens, devant la Ferme du Tilleul, un grand panneau illustré, réalisé par les enfants de 1'école communale, indique les rues et les sentiers, les ruisseaux et les lieux-dits du village.

Un petit détour

Un sentier vicinal qui contourne le domaine de l'abbaye Notre-Dame du Vivier vous permettra de quitter un moment la route. Il vous suffit de suivre le chemin, puis le sentier, qui longe le mur de clôture du couvent : il vous mènera au grand porche qui, au XVIlle s., constituait 1'entrée principale de 1'abbaye. Au-dessus de la porte, un médaillon à l'image de la Vierge et l'Enfant.

Vous suivrez ensuite la palissade de bois pour rejoindre une dérivation de la Gelbressée à l'endroit où elle pénètre sous une voûte de pierre pour traverser la propriété des religieuses. A partir de là, c'est l'eau qui matérialise la clôture du couvent.

Le sentier rejoint la route entre une des portes du domaine et une petite grotte dédiée à Notre-Dame de Lourdes.

Une leçon de botanique...

... à prendre tout au long de 1'itinéraire !

Côté ruisseau : les aulnes et les saules, le pétasite et la reine-des- prés.

Plus précisément, le long de la dérivation du couvent, sous les grands peupliers, la prêle et 1'épilobe, la cardamine des prés et la véronique et dans 1'eau qui stagne, un tapis de lentilles d'eau et d'algues filamenteuses. Une belle touffe d'iris aussi, auxquels vous ne toucherez pas : songez à ceux qui vous suivront sur ce chemin !

Au pied de la digue de l'étang du Fond de Marche : un groupe de magnifiques hêtres rouges.

Sur le versant du bois de la Beigneuse, entre les charmes, les érables et les frênes, se dressent çà et là quelques marronniers, hêtres rouges ou vieux chaines. En bordure, un taillis où se mêlent le noisetier et le sorbier, le merisier et la bourdaine, 1'aubépine et l'églantier, à l'ombre desquels abondent 1'arum - ou gouet - et le sceau de Salomon.

Aux endroits plus dégagés fleurit la grande consoude : une grande plante dressée à la tige quadrangulaire, aux feuilles épaisses et velues, aux fleurs en grappes pendantes, dont les couleurs vont du blanc au pourpre, en passant par tous les tons de rose et de mauve. La grande consoude porte bien son nom : elle a la propriété de "souder" les os fracturés et les plaiés.

Le myosotis, des véroniques, le lierre terrestre et le bugle, la petite pervenche et la violette sont très abondants parfois, colorant le talus de grandes taches bleues - du bleu tendre à 1'indigo.

Ailleurs, ils cèdent la place à des bouquets plus colorés : le compagnon rouge et le lamier jaune, l'alliaire et 1'euphorbe réveille-matin (ou hélioscope, car elle regarde toujours le soleil), 1'aspérule odorante (dont les minuscules fleurs blanches parfument le maitrank) et bien d'autres encore.

Quand la vallée s'élargit, laissant entrer le soleil, c'est le fraisier sauvage qui s'étale sur le talus.

L'eau

Producteur de force motrice, essentiellement utilisée par les moulins (dont celui du monastère), le ruisseau participa jadis à la vie économique de la vallée, et subit des aménagements (barrages, étangs-réservoirs) destinés à le contrôler.

Des forges et des hauts fourneaux étaient en activité dans la vallée, profitant de l'énergie fournie par l'eau du ruisseau et par le bois de la forêt.

L'eau du sous-sol fut domestiquée elle aussi. Dans le domaine de 1'abbaye, une "machine à eau" captait l'eau de la source de la Beigneuse, et la distribuait via un réseau de bornes-fontaines dispersées le long des chemins de la vallée.

Celle de la route de l'abbaye, dispense toujours une eau claire et limpide, et parfaitement potable. Elle a été restaurée par "les Amis de Marche-les-Dames-Wartet", à l'occasion du centième anniversaire de 1'installation de ce réséau de distribution (1893).

La fontaine de Gelbressée, dans la rue Moens, porte les armes du marquis de Croix, héritier des de Groesbeek, qui la fit construire en 1864. Elle donne une eau très pure, provenant de la source de Bolzée, située dans le Bois d'Hambraine, qui prolonge le parc du chateau de Franc-Waret.

Une très vieille église

Le ruisseau de Gelbressée s'appelait jadis la "Marka" ou "Marche", ce qui signifie frontière.

L'église est située au sommet d'une pente escarpée qui domine cette "frontière". La construction de la tour remonte au XIe siècle. Le cimetière est entouré d'un mur de près d'un mètre d'épaisseur. Un chemin de ronde, à l'extérieur du cimetière, a été remblayé, ce qui fit disparaître les soubassements anciens, les traces d'un ancien fossé et de l'ancrage d'un pont-levis.

Des traces de construction, des levées de terre dans la prairie au nord de l'église et dans le bois, permettent de supposer que la tour était à l'origine une tour de guet fortifiée, isolée, protégeant un manoir édifié sur ce site stratégique par les seigneurs de Gillebreceez.

Qui êtes-vous, Gislebert ?

Cette hypothèse est confirmée par la découverte, faite par un archéologue retraité, M. Prosper Schittekat, de peintures murales datant du XIIe siècle sous les (quinze!) couches d'enduit successives de la tour. Ces peintures représentent des scènes profanes qui attestent de la fonction civile de la tour à son origine. On y voit notamment un ibis, qui serait la représentation du dieu égyptien de la sagesse, 1'enlèvement de Proser-pine par Pluton, Abraham... L'une de ces peintures mettrait en scène Gislebert lui-même, premier seigneur de Gelbressée, probablement à 1'occasion de son départ pour la croisade, avec Godefroid de Bouillon.

La tour de château ayant été rapidement transformée en c1ocher d'église, les peintures ont été cachées par des enduits, ce qui explique leur excellent état de conservation.

Paroisses et presbytères

L'église d'abord consacrée à St- Martin, fut placée ensuite sous le patronage de Notre-Dame.

La paroisse était une dépendance de celle de Marchovelette, où résidait le curé, mais les terres relevaient du seigneur de Franc-Waret, le comte de Groesbeek, ce qui n'allait pas sans créer des conflits. Les rentes attachées à la Vierge "miraculeuse" de Gelbressée constituaient un bénéfice important que le curé de Marchovelette entendait conserver.

Le comte, qui se trouvait être le cousin de l'évêque, Mgr de Berlo, obtint cependant 1'indépendance de la paroisse Notre-Dame, à la condition d'y construire un presbytère. Ce qu'il fit. Le "vieux" presbytère, daté de 1771, se trouve au N° 24 de la rue Moens. A cette occasion, il fit aussi ériger le petit porche devant la tour de l'église et planter la couronne de tilleuls autour du cimetière. Le "nouveau". presbytère, au nord de l'église abrita un temps une école de files tenue par des religieuses.

La foi de nos grands-parents

St Hubert, patron des chasseurs, veille sur la vallée depuis sa potale-colonne, le long de la route de 1'abbaye. St Donat, qui protège de la foudre, a sa chapelle à 1'angle de la chaussée de Hannut et de la rue des Casernes (remarquez le curieux motif du fronton). Ste Barbe, patronne des mineurs, s'abritait dans une niche au dessus de 1'entrée du four à chaux.

Enfin la Vierge de Gelbressée amena nombre de pélerins à la procession du deuxième dimanche de septembre. La tradition rapporte qu'une femme qui ramassait du bois mort pour en faire des fagots découvrit parmi les branchages une statuette de la vierge. Elle la rapporta au village, où on 1'adopta comme patronne. Charles-Quint lui-même, passant par Gelbressée, tint à y saluer Notre-Dame.

Un événernent amplifia sa réputation : le comte Alexandre de Groesbeek, qui fit planter dix-huit tilleuls autour de 1'église de Gelbressée, en planta cinq dans le parc de son château, à 1'occasion des naissances de ses quatre filles et de son unique fils. Celui-ci, enfant, avait avalé une pièce de monnaie et était sur le point d'étouffer. La comtesse dépêcha quelqu'un pour prier la Vierge de Gelbressée. Au moment précis de la prière, 1'enfant cracha la pièce et fut sauvé.

L'abbaye de Marche-les-Darnes fera 1'objet d'une prochaine promenade.

Le fer, le grès et la chaux

En face de la gare de Marche-les- Dames, le café "La Féraugière" et le bois de Férauge sont des indices : Férauge, Favauche, Favarche, Fouarge sont des toponymes que l'on rencontre fréquemment, liés à la présence d'une industrie du fer et plus précisément d'une forge. La rue de Ferrair aussi, qui monte à l'Eglise de Gelbressée et le bois Ferrair, rappellent 1'exploitation du fer.

Le "château" du camp militaire fut, au XIXe siècle, la demeure du maître de forges J.-J. Jaumenne, mais bien avant lui, ce sont les Dames de 1'abbaye qui dès le XIVe siècle installèrent les premières forges dans la vallée. Une mine de fer est signalée dès 1323. Le minerai alimenta les hauts fourneaux de Marche-les-Dames jusqu'à la fin du siècle passé. En 1838, il se trouvait encore dans la vallée trois forges et quatre hauts fourneaux.

On exploita de 1750 à 1880, une mine de limonite, oxyde de fer se présentant sous la forme d'une poudre jaune ocre à rouge rouille. Le minerai (ou "poufache") était transporté en brouette par la vallée jusqu'à la Meuse, puis en bateau jusqu'à Andenne : les potiers andennais utilisaient la limonite pour décorer leurs pots.

Une carrière de grès était exploitée le long de la route de Wartet, une autre, de calcaire, la carrière "do Bierdjiî", le long de la route de Marche-les-Dames. Li Tchafor, le four à chaux, se situe le long de cette route. La chaux de Gelbressée était réputée jusqu'à Louvain et dans la Campine limbourgeoise. L'exploitation cessa en 1936.

A 1'angle de la chaussée d'Hannut et de la route de Wartet, une auberge-relais accueillait les marchands de chaux. La maison existe toujours, mais suite au rehaussement de la chaussée, son premier étage est devenu rez-de-chaussée, et les écuries se trouvent, intactes, réduites à 1'usage de caves.

Les diables, les nutons et la main verte

La "Cheminée du Diable", dans le bois Ferrair, d'où sortaient des diables jaunes ou rouges, c'est tout simplement le puit de la mine de limonite, d'où les mineurs émergeaient à la tombée du jour, couverts de poussière jaune ou rouge, vision qui inspira maints récits de diableries.

Le "Trou des Nutons" se situe entre la route de Wartet et le ruisseau (au-dessus du terrain de football). A son propos, M. Ernest Tonet, l'ancien instituteur de Gelbressée, raconte une anecdote. A 1'occasion du tournage du film "Le Namurois, terre de beauté et d'histoire", une prise de rue eut lieu au Trou des Nutons. Félix Rousseau, Ernest Tonet et l'Echevin de l'Instruction publique de Gelbressée étaient présents. Au moment où des enfants d'une école namuroise, déguisés en nutons, sortaient du trou, l'Echevin s'est penché vers les deux historiens pour leur confier: "Et dire que ma grand-mère a connu ces gens-là !"

Quant à la mystérieuse "Main verte", les enfants de l'école de Gelbressée vous en parleront mieux que moi.

Le fort Michi et les casernes

La rue du Fort qui mène aujourd'hui au fort de Marchovelette menait jadis au fort Michy, qui constituait 1'extrémité des fortifications namuroises au XVIe siècle. Il avait pour mission de surveiller la route de Hannut. La rue des Casernes, qui constitue un agréable raccourci - réservé aux piétons - entre le route de Marche-les-Dames et le centre de Gelbressée, mène aux "casernes", trois petites maisons accolées, à flanc de coteau, qui remonteraient à l'époque de Don Juan, et qui auraient servi de casernement à ses soldats espagnols.

JACQUELINE BLONDIAUX

MERCI

à Brian, Nicolas, Sébastien, Vincent et les autres, et à leur institutrice, Madame Muriel et Madame Claire, au petit Michel et à tous ses petits copains de la petite école du bord de la Gelbressée;
au garde forestier de Marche-les-Dames;
à Monsieur Ernest Tonet, ancien instituteur de Gelbressée, historien du village et des environs (Monsieur Tonet est l'auteur de nombrex articles et de livres consacrés à Gelbressée : "Du clocher natal à l'histoire de mon pays", "Deux églises de la région de Marche-les-Dames : Gelbressée et Franc-Waret", que vous trouverez à la Bibliothèque);
à Monsieur Prosper Schittekat, archéologue retraité, decouvreur de Gislebert de Gelbressée, qui fait partager les résultats de ses recherches aux pensionnaires des maisons de retraite namuroises dans le cadre des conférences itinérantes de l'UTAN.

Article extrait du périodique d'information de la ville de Namur : "Namur Magazine" n° 7 - Juin 1995
avec l'aimable autorisation de la ville de Namur


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