MOTO Un champion aux Pierreux
Sébastien le Grelle: sa vie c'est la bohème Il s'appelle Sébastien le Grelle (avec un
"l" minuscule, s'il vous plaît, il insiste).
Depuis 4 ans, cet enfant de Gelbressée, dans le
Namurois, émarge au club des Pierreux à
Mont-Saint-Guibert. Et il y restera. Tout simplement,
dit-il, parce que c'est un club avec des membres et un
président extraordinaires.
Depuis dimanche, le Grelle est champion d'Europe de
vitesse. Dans la catégorie Supersport 600, le prélude
à l'autre catégorie de la famille des 4T, le Superbike.
La voie qu'emprunta le regretté Michaël Paquay. Une
route malaisée, truffée d'embûches et encombrée
d'arrivistes. Des coureurs qui n'ont qu'une obsession:
accéder au sommet à toute vitesse et à tout prix. Ici,
il est vrai, on se crée une réputation à défaut de se
faire (déjà) un nom. Ou alors, on s'enlise dans
l'anonymat. Le premier volet d'une sélection sévère.
Le parcours de Sébastien, cette année, confine à
l'exploit. Voici un an, il s'était jeté dans l'aventure
avec des moyens dérisoires. Une machine d'occasion
"haute compétition" qui se révéla très vite
être un amoncellement innommable de pièces douteuses.
Un autre eût alors regretté son métier d'ébéniste,
serein et prospère. Lui, pas. Sa vie, c'est la bohème.
L'imprévisible qui chasse l'ennui. L'aventure avec la
moto comme moyen d'expression. Caractère entier,
imaginatif, volontaire, il a tout pour réussir. Et il
réussit. Avec un budget limité quoique fort apprécié,
recueilli auprès de l'importateur des bières Corona.
Il se procure du matériel neuf. Une Suzuki 600 avec kit,
prix concurrentiel, payable à terme: un cadeau de
l'importateur belge. Du matériel standard. Mais il
règle la mécanique lui-même, change les pièces usées
et résiste à la pression encadré par ses potes:
Didier, Bertrand, Michel, Adrien, Pierre et Nicolas. Dans
sa camionnette qui lui sert à la fois de transport,
d'atelier, de dortoir et de resto, il parcourt l'Europe,
brave les semi-remorques rutilants du parc des coureurs
et finit par leur adresser un magistral pied de nez.
Sébastien "La Fronte" a terrassé Goliath.
Dans des conditions dantesques. Voici deux mois, il chute
en Allemagne en participant à un Supermotard.
Radiographie négative. Mais trois semaines plus tard, la
main est toujours gonflée. On découvre alors une
fracture du poignet, du pouce, de l'annulaire et de
l'index, cette dernière se doublant d'une déchirure
ligamentaire. Or, il reste deux Grands Prix (sur dix) et
le titre européen à décrocher. Sébastien est leader
du championnat. Renoncer? Pas question! On lui pose une
attelle et le voilà à Braga au Portugal, puis à
Cartagène en Espagne. Avec un moteur rafraîchi par la
grâce du team All Stars (Bata).
Il était temps, commente-t-il. Le moteur initial
n'avait jamais été démonté et les soupapes étaient
très entamées.
Cependant, la machine a besoin d'un réglage. Faute de
temps et de moyens, celui-ci se fait sur place. La moto
ne disposant pas de télémétrie (trop chère), le
résultat n'est pas brillant.
Sébastien va donc exploiter tout son talent, en oubliant
sa main, son stress et en tirant la quintessence de la
mécanique dont il dispose. Il termine avec un point
d'avance. Il est champion!
Mais le Grelle pense déjà à demain. A 25 ans, l'avenir
lui appartient. Son objectif en 2000: terminer parmi les
15 meilleurs dans le championnat du monde Supersport 600.
Mais pour cela, il faut, à présent, se reposer sur une
structure professionnelle. Et pour un Belge, fût-il
talentueux, c'est la quadrature du cercle. Alors? Il
prospecte. Il se donne 2 mois pour obtenir le concours
d'un gros sponsor: matériel et budget.
Des offres? Oui, il en reçoit. Mais, prudent, il veut
consulter les cartes qui lui sont proposées avant de
s'investir...
GUY BOONEN
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